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L'actualisation
de l'intrigue à travers trois adaptations de
Danièle Gasiglia-Laster
Le personnage d'Esmeralda représente à lui seul toutes les populations en butte au racisme aux Etats-Unis : la couleur de sa peau pourrait signifier qu'elle est peau d'origine africaine mais aussi espagnole, italienne ou même indienne ; et elle a des yeux clairs ce qui élargit encore les possibles identifications. Sa rencontre avec Quasimodo à la fête des fous va permettre à celui-ci de se libérer de son maître. Le bossu voit sa laideur et sa différence confirmées par le rejet de la foule, et même de la chèvre d'Esmeralda qui pousse un bêlement d'horreur en le voyant, mais la jeune fille, qui à aucun moment n'est effrayée ou révulsée par sa difformité, lui fait comprendre qu'il n'a rien de monstrueux et qu'il est victime, comme elle, d'idées reçues et de préjugés. L'enfant découvre donc peu à peu que tout ce que lui a dit son maître et qu'il croyait indiscutable est faux. Les jeunes spectateurs sont ainsi invités à avoir l'esprit critique. Et le film, jusqu'au bout, va tenter de leur enseigner la tolérance. Esmeralda ne part pas comme chez Dieterle avec Gringoire, absent du dessin animé, mais avec le chevaleresque Phoebus et cette fois le "happy end " est totalement réalisé puisque Quasimodo souriant est porté en triomphe par la foule, non plus comme le " roi des fous " mais comme un héros. Un événement advenu au cours de l'été 1996 a donné envie à Luc Plamondon, l'auteur du livret mis en musique par Richard Cocciante, d'actualiser, lui aussi, son adaptation (3), d'établir un lien entre le XVe et le XXe siècle : des sans-papiers se sont réfugiés dans l'église Saint-Bernard en demandant le droit d'asile ; leur expulsion de force de l'église, puis pour certains, de France, a suscité de nombreuses discussions et polémiques. L'uvre ne se contente plus, comme les précédentes, de faire des allusions à l'actualité, mais le passé et le présent se rejoignent en une sorte de surimpression constante de l'un sur l'autre. Cette surimpression s'opère par un mélange de vocabulaire moderne et de vocabulaire plus archaïque, par des costumes et des coiffures intemporels, par des décors stylisés qui évoquent à la fois la cathédrale mais aussi un mur-frontière symbolique. Le premier air du spectacle, " Le Temps des cathédrales ", chanté par Gringoire, qui devient, chez Plamondon, le narrateur, annonce la fin d'un monde : tIl est foutu le temps des
cathédrales Le reste du spectacle musical va expliciter cette strophe : les barbares, les païens, les vandales, sont les étrangers, les sans-papiers qui constituent le peuple de la Cour des miracles. En prévoyant la fin de ce monde pour l'an 2000, Gringoire annonce la fin d'un monde où chacun reste chez soi, où les populations ne se mêlent pas. Les immigrés, prévient-il, vont se mélanger aux Français, créer un nouveau peuple. Clopin, chef de la Cour des miracles, devient une sorte de leader politique. Le cri " Asile ! " poussé par Quasimodo pour demander qu' Esmeralda soit protégée par l'Eglise prend un sens particulier : le droit d'asile, c'est le droit d'asile politique et économique de ceux qui viennent d'ailleurs. Le flot des immigrés que certains tentent d'endiguer est présenté comme inéluctable. Esmeralda est la fille adoptive de Clopin : elle est d'origine andalouse et sa mère l'a confiée enfant au chef de la Cour des miracles. Elle aussi est en butte au racisme de Frollo qui la traite avec mépris de " Bohémienne " et d' " Egyptienne ", comme dans le roman. La " Chanson de la Cour des miracles " chantée par Clopin avec le " Chur des exclus " insiste sur la solidarité de ces exclus : " Ici on est tous frères / Dans la joie dans la misère ". (3)
D'après Annie Langlois, Le spectacle musical Notre-Dame de Paris
par Luc Plamondon et Richard Cocciante:
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