ACTES


Victor Hugo: la face occulte d'un génie

Maria do Carmo M. Schneider
UFES

Hugo croyait pleinement aux manifestations des morts au travers des tables et prouve cette croyance dans ce qu'il écrie quand il réalise ses études sur Shakespeare, en 1867:

La table tournante ou parlante a été bien souvent ridiculisée. Parlons franchement. Cette moquerie est innacceptable. Re-placer l' examen par le mépris est facile mais peu scientifique.
Nous pensons que la science se doit de vérifier tous les phé-nomènes, car la science si elle les ignore, n'a pas le droit d' en rire; un savant qui se moque du posible est bien proche d'un idiot.

Respectons le possible, dont personne ne connait le limite et soyons attentifs et sérieux devant le monde extra-humain d' où nous sortons et qui nous attend. (5)

C'est encore des notes prises par Adèle Hugo, fille du poète, lors d'une conversation entre Hugo et Auguste Vacquérie, à propos de l'utilité du dialogue avec l'invisible, que nous devinons la position de l'écrivain face aux phénomènes d' échanges avec l'au-delà:

Je ne crois pas aveuglement aux phénomènes des tables. Si le livre que nous préparons était présenté au public,on verrait que j'ai toujours discuté avec les esprits; j'ai discuté respectueusement, mais j'ai discuté. J'ai avec moi deux lumières: ma conscience, qui vient de Dieu, et ma raison. (6)

Il faut souligner que certains commentaires supposent que Hugo, lui même, s'il restait loin des tables parlantes, était l'auteur inconscient des fameuses compositions de Jersey. Celui-ci aurait transmis ses pensées à son fils Charles qui, à son tour, les aurait transmises à la table. Le chercheur Jacques de Valay a trouvé dans le manuscrit de La Légende des Siècles, une anotation faite en marge par Hugo lui-même, et qui consiste en une réponse incisive et indirecte à ceux qui considéraient ces écrits comme une fraude inconsciente:

J' ai constaté un phénomène singulier, auquel j'ai assisté bien des fois: le phénomène du tripode antique. Une table de trois pieds dicte les vers par des sécousses et les strophes sortent de l'ombre. Il est nécessaire de savoir que je n' ai jamais mêlé aux miens un seul de ces vers issus du mystère.

Je les ai religieusement laissés à l'inconnu qui est vraiment leur auteur. Je n'ai même pas accepté leur sugestion. J'ai même évité leur influence. Le travail du cerveau humain ne doit rien emprunter aux phénomènes. Les manifestations extérieures de l'invisible sont une chose et les créations intérieures de la pensée une autre. Le mur qui sépare les deux choses doit être mantenu dans l'interêt de l'observation et de la science. On ne doit y faire aucune bréche et un emprunt serait une brèche. Aux côtés de la science qui le défend, s'asseoit la réligion, la grand, véritable, obscure et incertaine, qui l'interdit. Je répète, donc, tant par conscience religieuse que par conscience littéraire, par respect pour le phénomène lui-même, que j' ai pour loi de n'admettre aucune intromission dans mon inspiration et que je veux mantenir mon oeuvre telle qu' elle existe: entièrement vivante et personelle.

(Hugo, le 28 février 1854) (7)

Hugo a défini, ainsi, la production de son esprit, la séparant de celle qui vient du monde inconnu, des pseudo-morts. Cependant, c'est à travers les révélations des tables parlantes qu'il observe l'éclatante confirmation de nombre de ses idées philosophiques et reli-gieuses, ce qui le conduit à écrire le 19 septembre 1854:

Les êtres qui peuplent l'invisible et qui voient nos pensées savent que depuis 25 ans je m' occupe de ce que la table suscite et approfondit. Plus d'une fois la table m'a parlé de ce travail. L'ombre du Sepulcre m'a invité à le terminer. Dans ces travaux de 25 ans, j'avais trouvé, seulement par la méditation, bien des résultats qui composent aujourd' hui les révélations de la table; j'avais clairement vu se confirmer cer-tains de ces sublimes résultats; j'en avais entrevu d'autres qui vivaient dans un état d'embryon confus.

Les êtres mystérieux et grands qui m'écoutent voient quand ils le veulent, dans ma pensée comme on voit dans une grotte avec une torche; ils connaissent ma conscience et savent que tout ce que je viens de dire est rigoureusement exact; et ceci est tellement vrai que par moments je me suis senti contrarié dans mon misérable amour propre humain, par la révélation actuelle qui est venu apporter à ma petite lumière de mineur, la clarté d'un éclair ou d' un météore. Aujourd' hui tout ce qui j'avais vu, tout est confirmé par la table et les révélations imparfaites la table les complète. (8)

(5) HUGO, Victor. Obras completas. Tradução de Hilário Correia. São Paulo: Américas. 1958. 44 v.
     V. 24: William Shakespeare, p. 183.
(6) HUGO, Adèle. La Révue de Paris, avr./1950, p. 42-43 apud ZEUS, Wantuil, 1944, p.171.

(8) HUGO, apud MALGRAS, J. Les pionniers du spiritisme en France, Paris: [s. n.], 1906, p. 43 - 44.

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