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ACTES |
Sérgio
Paulo Rouanet
"Tempora mutantur". Aujourd’hui, nous traduirions notre admiration pour Victor Hugo dans un style moins hugolien. Toutefois, la citation de Constâncio Alves est éclairante, car elle donne une idée du climat francophile dans lequel s’est faite la réception de Hugo au Brésil. Cette attitude ne fut pas seulement une idio-syncrasie brésilienne, mais bien un phénomène général dans la culture latino-américaine. On la trouve, par exemple, chez Ruben Dario, qui écrit, dans Peregrinaciones: "Mon désir et ma pensée me furent donnés par la France; je serais incapable de vivre si l’on m’interdisait de vivre en français ". Paroles qui trouvent un écho chez l’Uruguayen Horacio Quiroga: "Pour nous, pauvres exilés de la suprême intellectualité, la vision de Paris est la nostalgie d’un lieu que jamais nous ne vîmes". Les intellectuels qui écrivent en français sont nombreux. C’est en français que Ruben Dario adresse une invocation quasi religieuse à la ville symbole de la culture : "Et toi, Paris ! Magicienne de la Race, / Reine latine, éclaire notre jour obscur ". Le Chilien Huidobro publia en français son premier recueil de poèmes, Horizon carré, en 1917. Mais au Brésil, l’admiration pour la France fut spécialement enthousiaste. Durant le 19 ème siècle et les premières décades du vingtième, nous voyions tout par l’optique française. Paris nous enseignait à sentir et à penser. Tout venait de France, depuis la cuisine jusqu’à la philosophie, depuis la comédie de boulevard jusqu’au traité de balistique. Nous vivions les crises politiques de la France dans une solidarité qui parfois dépassait les bons sentiments, comme lorsque les Brésiliens firent des dons de nourriture pour les mutilés, les orphelins et les veuves, en France, pendant la guerre de 1870. Mais même dans ce climat de vénération pour la culture française, l’idolâtrie pour Victor Hugo fut exceptionnelle. Il n’est pas besoin de m’attarder sur la réception de Victor Hugo au Brésil, sujet déjà amplement traité par Antonio Carneiro Leão, dans son livre Victor Hugo et le Brésil; aussi, je me limiterai ici à quelques faits, les plus marquants Le plus prestigieux des admirateurs de Hugo au Brésil, fut le propre Empereur D.Pedro II. Ce dernier accompagna toutes les étapes de la production de Hugo. Il avait un faible, peut-être compréhensible chez un souverain qui était parent avec toutes les têtes couronnées d’Europe, pour les poèmes de la période légitimiste de Hugo, période durant laquelle le jeune bien-pensant composait des odes sur l’assassinat du duc de Berry et du sacre de Charles X. D.Pedro en vint même à traduire, en portugais, un des poèmes de cette période, "Louis VII ", du recueil Odes et ballades (1822). Et nous savons, par sa correspondance, qu’il se tenait au courant de toutes les oeuvres de Hugo, les lisant dès qu’elles étaient publiées. Si Hugo put captiver un empereur lettré, mais qui n’était pas un écrivain de métier, on peut imaginer la fascination qu’il exerça sur les intellectuels brésiliens.
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