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ACTES |
L'actualisation
de l'intrigue à travers trois adaptations de
Danièle Gasiglia-Laster
Je m'efforcerai de suivre un peu l'itinéraire
de ceux qui découvrent un roman comme Notre-Dame de Paris
à travers une transposition : en partant de trois adaptations,
puis en revenant à l'original, mais par le biais de ces adaptations.
J'analyserai le film américain de Dieterle, de 1939, intitulé
The Hunchback of Notre-Dame (Quasimodo en français), le
dessin animé des studios Disney, de 1996, qui reprend le même
titre (traduit cette fois en français plus littéralement
par Le Bossu de Notre-Dame), et enfin le spectacle musical écrit
par Luc Plamondon sur une musique de Richard Cocciante, créé
à Paris au Palais des Congrès en 1998, qui conserve le titre
du roman. Francis Mickus, dans un excellent mémoire sur le film
de Dieterle (1), affirme que " les événements de 1482
rapportés dans Notre-Dame de Paris éclairent 1830
et en sont éclairés " Le tournage de Quasimodo, qui commence en juillet 1939, donne l'occasion au cinéaste d'origine allemande, William Dieterle, qui a émigré aux Etats-Unis dans les années 1920, de manifester son rejet du mal qui ronge l'Europe. Les allusions à l'actualité vont se faire par des prises de distance majeures avec l'intrigue initiale. Alors que beaucoup d'adaptations ignorent le jeune frère de Claude Frollo, Jehan, les scénaristes, Bruno Frank et Sonya Levien, vont faire état de cette fraternité mais en se désintéressant totalement du personnage de Jehan Frollo tel qu'il existe dans le roman et en dédoublant Claude Frollo. Il y a bien un Claude Frollo, " archevêque de Notre-Dame " dans le film, mais il n'a rien de la figure hugolienne : c'est un ecclésiastique honorable, qui protège les exclus et les démunis. Il a bien pour frère un Jehan Frollo mais qui, lui, hérite d'une grande partie du caractère du Claude Frollo romanesque, avec une différence essentielle: il n'est pas prêtre mais Grand Juge (2). Il est vrai que Dieterle et ses scénaristes sont obligés de se soumettre au code Hayes, alors en vigueur aux Etats-Unis, qui interdisait de représenter à l'écran le ministre d'un culte se comportant mal ou prêtant à rire. Dieterle se trouve donc confronté à la censure et la contourne comme il peut : Frollo, toujours vêtu de noir, semble chez lui dans la cathédrale et Esmeralda lui dit : " Vous n'êtes pas prêtre mais vous en avez l'air ". Comprenne qui voudra Mais pour contrebalancer ces sous-entendus, tous les représentants explicites de l'église sont de saintes créatures pleines de mansuétude et de bonté. Ceci compensera cela Frollo, Grand Juge au visage froid, qui semble ne jamais manifester aucune émotion -même quand il avoue à Esmeralda son désir pour elle-, paraît bien une incarnation du nazisme. Il est glacial de l'extérieur comme de l'intérieur. Mais ses colères froides ne sont pas uniquement verbales. Quand le poète Pierre Gringoire veut faire imprimer un tract qui évoque des disparitions, des arrestations et des exécutions arbitraires, les hommes de Frollo pénètrent chez l'imprimeur à qui Gringoire a donné son texte et détruisent avec violence les machines qui servent à l'impression ainsi que toute l'Imprimerie. Frollo se débarrasse donc des écrits qui le gênent d'une manière radicale, un peu comme Hitler à bâillonné la presse et fait brûler certains ouvrages. Une séquence le montre au Palais de Justice, présidant une séance de la Cour suprême, parlement de l'ancien régime. A un orateur qui se plaint des hérétiques, des libre-penseurs et des agitateurs et qui réclame " plus de prisons " il réplique : " Non ! Il nous faut plus d'exécutions. Nous sommes trop indulgents ". Et, bien sûr, le Grand Juge déteste les étrangers et en particulier les gitans, suggérant à plusieurs reprises qu'il s'agit d'une race inférieure. Ces gitans, qui essaient de pénétrer à l'intérieur de Paris, sont repoussés avec violence par des soldats. (1)
Francis Mickus, De Notre-Dame de Paris à The Huncback of Notre-Dame
: La Transformation
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